« KuklArt » Magazine

L’Île au trésor – à mi-chemin entre le classique et la réalité virtuelle

Mihail Baykov / Échos

« La petite compagnie théâtrale » (STC), comme son nom l’indique, est en fait une petite compagnie de théâtre, fondée par quatre amis, dont trois ont fait des études pour devenir comédiens au théâtre de marionnettes dans la classe du Professeur Jeni Pashova, et le quatrième est un metteur en scène pour théâtre de marionnettes, diplômé dans la classe du Professeur Slavcho Malenov. En 2013, ce quatuor de marionnettes décide de créer son propre théâtre afin de réaliser ses idées en ce qui concerne le théâtre de marionnettes. C’est ainsi que les spectacles suivants voient le jour : Ce que fait papi est toujours bon, Depuis la tour ; plusieurs ateliers créatifs – Vegerionettes qui aide les enfants et leurs parents à élaborer leurs propres marionnettes ; Marionnettes de la Tour – un atelier visant à élaborer des marionnettes à partir de déchets, en complément du spectacle du même nom, axé sur le recyclage et la protection de l’environnement ; La Ferme des marionnettes – un atelier de création de marionnettes à partir de fruits, légumes et autres matériaux naturels, qui attire l’attention des enfants sur ces produits sains, tout en jouant avec eux. Tous sont des projets sociaux avec un raisonnement dépassant de loin la simple nécessité de jouer et de monter sur scène. C’est en bref l’histoire de la compagnie jusqu’en 2017, lorsqu’elle atteint un carrefour et doit choisir quel chemin prendre. Après avoir écouté une conférence de Guy Kawasaki sur les innovations commerciales et leur importance pour le développement de chaque entreprise, Small Theatre Company parvient à la conclusion que la technologie envahie avec de plus en plus d’acharnement le monde des créateurs. Ils se posent alors la question de savoir comment introduire harmonieusement la technologie au sein d’un spectacle de marionnettes. S’en suit alors une période de sept mois de recherches et d’essais qui aboutissent au choix de la réalité mixte – technologie qu’ils décident d’utiliser dans la création de leur prochain projet, L’île au trésor v.1.0. C’est donc le premier spectacle de marionnettes, utilisant à la fois la réalité mixte et la réalité virtuelle (MR/VR – mixed reality/virtual reality), mis en scène à la Maison de l’humour et de la satire, à Gabrovo.

Permettez-moi de faire un petit point sur le monde de la technologie. La réalité physique est l’environnement réel que nous habitons. On peut parler de réalité virtuelle (VR – virtual reality) lorsque l’environnement et les objets s’y trouvant sont entièrement artificiels. Dans la réalité mixte (MR – mixed reality), nous avons des objets virtuels, fixés dans l’espace réel, et nous avons la possibilité d’interagir avec eux. La réalité augmentée (AR – augmented reality) est le sous-type le plus connu du MR, dans lequel des objets virtuels viennent peupler l’environnement réel.

Armés d’une idée, d’une conception et d’une équipe, Small Puppet Company choisit de mettre en scène le roman classique de R. Stevenson d’une façon peu orthodoxe. Comment cela se fait-il ? La réalité mixte qu’ils choisissent présente plusieurs avantages importants. En premier lieu, des équipes travaillent sur son perfectionnement depuis des années. De plus, il existe des instruments pour sa création. Enfin, elle permet une expérience collective, si typique du théâtre. En outre, tout téléphone moderne est doté d’un module intégré de réalité augmentée.

Pour commencer, le vrai jeu des comédiens et des marionnettes est capté par la caméra du téléphone. En temps réel, ces prises de vue sont complétées par des décors et des objets virtuels, au moyen d’une application mobile spécialement conçue pour le spectacle. Enfin, le mélange ainsi obtenu apparaît sur l’écran du téléphone. Afin de créer une expérience plus percutante encore, Small Theatre Company décide d’allier les téléphones à des casques AR/VR qui couvrent le champ visuel complet du spectateur. Les avantages supplémentaires de ces appareils sont donc l’image stéréoscopique qui permet une meilleure sensation de volume, de profondeur et de perspective. En plus, les écouteurs stéréo offrent un meilleur son aux spectateurs. L’utilisation de casques AR/VR permet à l’équipe de présenter des scènes de réalité mixte et de réalité virtuelle dans L’Île au trésor. Le spectateur a ainsi des points de vue différents sur ce qui se passe sur scène, et donc un degré différent d’appréciation de l’action. Dans les scènes de réalité mixte, il observe les personnages de manière passive. En revanche, dans les scènes de réalité virtuelle, il a la possibilité de se tenir à côté du personnage principal, Jim Hawkins. Le spectateur commence ainsi à voir et à ressentir à la première personne. Cela confie au public un rôle bien plus actif et la possibilité de goûter à la tension de la scène et à la peur de chacun des personnages.

Toutes les solutions technologiques utilisées dans L’Île au trésor v.1.0 offrent définitivement de nouvelles possibilités à la construction de la narration scénique. Le chemin pour y parvenir est long, associé à de nombreux essais afin d’obtenir une réalité mixte, au moyen de divers logiciels existants et autres que l’équipe ajoutera au fur et à mesure du développement du projet. Mais ce n’est pas l’essentiel. Il est ici fondamental qu’un groupe de jeunes marionnettistes décide de franchir les frontières, réservées au soi-disant théâtre de marionnettes. Ils décident de passer dans une autre réalité et d’accéder à la nouvelle technologie, à des logiciels si prisés par les jeux vidéo, mais sûrement pas par le théâtre. Grâce aux casques AR/VR ils entreprennent une correction de la mise en scène dans les décors virtuels, tout en dirigeant des comédiens, des marionnettes et des objets virtuels. Et si, en ce moment même nous mettions nos lunettes virtuelles et que Neil Armstrong nous apparaît, il dira probablement que cela peut bien être un petit pas pour Small Theatre Company, mais c’est certainement un saut de géant pour le théâtre de marionnettes en Bulgarie. Je suis plutôt d’accord avec lui, dans cette réalité et dans l’autre aussi.