« KuklArt » Magazine

Numéro 4/2010

Cher lecteur,

À la fin du mois de décembre 2010, alors que tous les théâtres de marionnettes protestaient contre la future méthodologie de calcul des subventions qui était annoncée, il était tristement intéressant de lire les forums sur Internet. Comme pour les manifestations des cinéastes, comme pour les protestations (beaucoup plus simples) des théâtres dramatiques, ces « opinions » étaient, en règle générale, farouchement négatives envers les créateurs. Ce sont des paresseux qui n’attendent que l’État pour leur servir tout, alors que ce qu’ils produisent est simple et mauvais, inadapté, etc. Examinons l’essentiel de l’une des opinions : « Tout art réalisé à l’aide de ce que l’on a sous la main devient amateur. Tandis que les enfants d’aujourd’hui regardent toutes sortes de films avec tout un tas d’effets incroyables, comment peut-on retenir leur attention avec un simple rideau ??? »

Jusque-là, rien à redire. La compétition avec le cinéma, avec les techniques digitales, est vouée à l’échec (au théâtre en général et au théâtre des marionnettes en particulier). Le pauvre théâtre ne peut compter que sur ce que personne ne peut lui ôter : tout se fait en direct, devant les yeux des spectateurs. Que ces yeux soient étonnés, enchantés, pleins de larmes ou souriants ne dépend que du théâtre lui-même.

Dorénavant, on regardera de plus en plus la magie des incarnations des marionnettes, la vitesse de leurs transformations au cours du spectacle et – voici une chose que le cinéma ne peut faire ! – la virtuosité dans tout cela.

La bataille n’est donc pas perdue. Ce sont les doués, les infatigables, ceux qui cherchent et qui découvrent qui seront les grands vainqueurs …

Il y a quelques mois, le message du grand metteur en scène Robert Lepage pour la Journée Mondiale de la Marionnette, célébrée le 21 mars 2010, a été diffusé.

Le voici :

Comme bien des gens, j’ai été profondément bouleversé par le tremblement de terre qui vient de dévaster Haïti. En voyant les images relayées en boucle à la télévision et sur le web, je me suis demandé, parmi tous les médiums des arts de la scène, lequel serait le plus à même d’exprimer la dimension humaine d’un tel cataclysme ? Lequel saurait le mieux éveiller notre compassion sans tomber dans la pitié, nous solidariser sans nous faire la morale et lequel pourrait provoquer dans nos corps l’écho de la douleur physique des blessures et des amputations ?

En fait, je me suis demandé comment transposer sur scène non seulement les malheurs du peuple haïtien, mais également sa résilience qui nous émeut et nous inspire à la fois ?

Il m’est apparu que la marionnette serait la mieux placée pour raconter une telle tragédie. Son impuissance, sa vulnérabilité, mais également la force de sa pureté et de son innocence créent un lien intime et unique avec le spectateur. Cette solidarité provient probablement d’un avantage majeur qu’elle a sur le théâtre et le cinéma : l’acteur joue, la marionnette, elle, ne fait jamais semblant.

Contrairement à l’acteur, les sévices qu’on impose à la marionnette ne sont pas feints et lorsqu’on lui coupe les fils, qu’on la frappe, la bafoue, l’humilie, la maltraite ou la démembre, elle ne se plaint jamais. On la répare, on la recolle et elle parvient de nouveau à se tenir debout.

Cette vérité donne une puissance redoutable aux marionnettes puisqu’elles semblent à la fois être capables d’affronter les outrages du destin et de posséder le courage qu’il faut pour rebâtir un monde en ruine.

Quelle foi dans le pouvoir de la marionnette, de l’art de la marionnette, quelle conviction absolue que l’avenir leur appartient !

Prenons une gorgée rafraîchissante de la puissance des paroles citées de Lepage, prenons dans nos paumes fatiguées de marionnettistes au moins une petite graine de sa foi. Ainsi, la route de Hambourg nous semblera non seulement plus claire et plus acceptable, mais aussi la seule possible, la seule qui ait un sens pour nous …

 

Nikola Vandov
Rédacteur en chef

ArticlesContents

Contents

Cher lecteur – Nikola Vandov

Théorie, histoire, essai et polémique

La réforme du théâtre et l’AKT UNIMA Bulgarie (documents)

La liberté en manque – Entretien de Patricia Nikolova avec le metteur en scène Katya Petrova

Questionnaire sur l’adaptation/dramatisation au théâtre de marionnettes. Avec la participation d’Elza Laleva, Prof. Nikolina Georgieva, Prof. Slavcho Malenov, Teodora Popova, Todor Vulov

Sur mes chemins dans la vie et dans l’art – Atanas Ilkov

Valeri Petrov ou De la trompette mélancolique du Saint-Bernard – Patricia Nikolova

Wayang – la poupée ombre d’Indonésie – Joanna Spassova-Dikova

Festivals et forums

XIX Festival international du théâtre de marionnettes pour adultes « Deux sont peu, trois sont en trop », Plovdiv

Passeport du festival

À Plovdiv au mois de septembre – Bogdana Kosturkova

« Deux sont peu, trois sont en trop » – une formule à grand succès – Patricia Nikolova

Conversations à Plovdiv – Entretien de Boryana Georgieva avec les participants au festival : Desislava Mincheva, Petar Todorov, Veselka Kuncheva, Magdalena Miteva, Ivo Ignatov-Keni, Francis Monty, Olivier Ducas, Katya Petrova, Viktor Boychev

Dans le carnet de notes de Plovdiv 2010 – Nikola Vandov

VI Festival international de théâtre boulevardier et de marionnettes « La foire des marionnettes », Sofia

Passeport du festival

De la Foire et au-delà – Katya Petrova

La ville est devenue un théâtre ! – Nikola Vandov

Sofia 2010 – une victoire pour les marionnettes – Liliana Bardijewska

Ier festival mondial des écoles de théâtre de marionnettes

Réflexions sur le 1er festival mondial des écoles de théâtre de marionnettes – Nikolina Georgieva

Quand l’amour nous guide ou Une histoire de marionnettes – Mihail Baykov

Laissez-moi vous raconter un festival … – Еlsa Laleva

Et quelques pensées tristes sur … – Ivan Raykov

Échos

Un conte politique – Patricia Nikolova

« Le Roi Niais » nous fait un clin d’œil depuis la scène du théâtre de Pazardzhik – Peter Zmeicharov

Raidissement indolent – Veselina Gyuleva

Improvisations pour le plaisir – Svetla Beneva

« La fiancée du vampire » sur la scène du théâtre de marionnettes de Sofia – une qualité nouvelle, une fantaisie réalisée – Krasimira Vasileva

О, je rêve d’amour ! – Mihail Baykov

Un manuel unique – Conversation de Nikola Vandov avec le Professeur Anastasia Savinova-Semova

Elena Vladova et son tout dernier livre – Slavcho Malenov

Les marionnettes de Russe qui ont 50 ans – Nikola Vandov

L’histoire d’un cheval – Henryk Jurkowski

In memoriam

Petar Evangelatov

Information

Spectaclegraphie 2010

Le prix « Sivina » 2010 et Jivko Jouranov – son premier lauréat

Prix pour Stefan Moskov

Une pièce

Cendrillon – Еlsa Laleva