« KuklArt » Magazine

Quelque part à New York

Mihail Tazev / Échos

Comédiens, marionnettes, problèmes d’ordre général et quelques petites souffrances, rêves et ambitions. Tout ceci, et bien plus encore, réuni dans le même immeuble, situé dans une rue et présenté grâce à la musique. Avenue Q est une comédie musicale américaine pour adultes qui a su trouver son public en Bulgarie, au début de l’année 2017. C’est la première fois que le théâtre bulgare aborde un spectacle comme celui dirigé par West Hyler et Petar Kaukov. Ce n’est pas simplement le soi-disant rêve américain, créé par Robert Lopez et Jeff Marx, qui se déploie sur scène, mais tout l’espoir de le voir se réaliser – avec ses bons, et ses moins bons côtés.

Le spectacle est une expérience intéressante pour le public bulgare. Il s’empare du spectateur, l’emmène loin afin qu’il puisse profiter de toutes les beautés et les problèmes, les siens et ceux des autres, pour le laisser tomber soudainement dans la vie de tous les jours. Est-ce qu’il permet de mieux contempler sa propre vie ? Non, le spectacle nous fait réfléchir par nous même. Il n’impose aucune solution aux problèmes qu’il traite. Bien au contraire – tout ce qui est grave est déguisé par l’émotion et ses meilleurs amis, le rire et les larmes. Et c’est précisément la raison pour laquelle j’ose qualifier le spectacle d’expérience. Avenue Q est sans précédent pour le public bulgare, nouveau mais parfaitement bien réalisé. Pourtant, la façon dont Avenue Q traite les problèmes individuels et personnels repousse les gens. Peu sont ceux qui savent regarder leurs propres histoires. La bonne nouvelle est que la comédie musicale est déguisée par la joie, et devient donc rapidement la chérie du public.

Le monde représenté dans le spectacle est le nôtre. Il l’imite même. Cependant, s’il faut faire la part des choses, Avenue Q est un conte empli d’obstacles peu enchanteurs. Les monstres et les hommes recherchent des solutions aux problèmes que l’on évite généralement. Oui, Avenue Q parle du racisme, parle de l’homosexualité et de l’attitude à son égard, parle de l’amour passionné et bon marché, globalement il parle de tout ce dont on préfère ne pas parler aujourd’hui. C’est justement ce silence qui est affronté avec succès dans le spectacle. Le silence semble oublié et caché dans la mélodie. Pourquoi la musique nous aide-t-elle à nous dissocier des choses qui nous embarrassent, nous perturbent et dérangent notre quotidien ? Parce qu’elle est précisément l’outil qui permet de briser tous les obstacles entre nous. Les gens communiquent, se touchent, s’expriment, se retrouvent, se divertissent à travers la musique. La musique nous fait oublier la langue que nous parlons, d’où nous venons, la couleur de notre peau … Elle nous embarque dans son monde. Quelque part entre les notes noires et la portée blanche, où naît le sentiment le plus grandiose. Ainsi, la musique dans le spectacle est celle qui donne de l’énergie à la vie. Elle rassemble des hommes et des monstres de nationalités différentes, dotés chacun de sa vision et de ses idées sur le monde. Elle les unit au sein d’une même famille qui résout les problèmes facilement grâce à la mélodie.

En ce qui concerne l’aspect visuel du spectacle, Avenue Q saisit aussitôt. Telle une carte détaillée avec ses nombreuses flèches, pointant dans des directions opposées, la scène est colorée, lumineuse et à plusieurs étages, un vrai bâtiment. Elle ouvre grand ses portes et accueille chaleureusement ses hôtes. Mais le public saura-t-il répondre à cette hospitalité ?

En attendant de connaître la réponse, la comédie musicale en tant que genre gagnera de plus en plus de public, si seulement les tentatives de vulgarisation ne s’arrêtent pas là. Avenue Q est définitivement le premier pas. En tant que metteur en scène, Petar Kaukov confie : Nous avons osé faire quelque chose sans savoir si les gens l’accepteraient. Les auteurs d’Avenue Q ont cependant enclenché ce processus avec beaucoup d’efforts et de travail acharné. Ce n’est plus qu’une question de temps avant de savoir si les grandes marionnettes, semblables à celles de 1, rue Sésame, continueront à cohabiter avec les marionnettes plus traditionnelles au Théâtre de marionnettes de Sofia.